En 1901, Guglielmo Marconi établit la première liaison radio entre l’Europe et le continent Américain. Cette opération nécessite l’installation de deux tours de 64 mètres dotées d’un moteur à kérosène et alimentées par un courant de 20 000 volts. Deux ans plus tard à Londres, clamant que des messages pouvaient être envoyés en toute confidentialité à travers de grandes distances, sa démonstration publique de télégraphie sans fil à la Royal Institution est piratée par l’inventeur et magicien Nevil Maskelyne qui l’injurie en code Morse, prouvant la vulnérabilité du procédé et faisant de Maskelyne le premier hacker de l’histoire.
Un siècle d’innovation a abouti depuis à l’émergence des ordinateurs personnels et la téléphonie mobile, à la réduction ultime des appareils et l’interconnexion permanente. En l’espace de quelques décennies seulement, la numérisation des activités humaines s’est généralisée, modifiant nos modes de vie et de pensée, bouleversant radicalement notre rapport au monde.
Si l’apparente démocratisation des nouvelles technologies s’accompagne d’une fonction émancipatrice, comme extension des possibilités d’existence où le temps et la distance semblent abolis, la numérisation continue de tous les aspects de notre quotidien soulève des enjeux cruciaux dans les champs sociaux, politiques et culturels.
Tandis que la relation de l’homme et de la machine se simplifie en un pacte inédit entre la nature et l’artificiel, la technologie ne cesse de se discrétiser et de s’opacifier.
L’innovation globalisée s’accélère exponentiellement et dépasse une simple nécessité ou aspiration humaine, se substituant aux valeurs traditionnelles jusqu’à inspirer de véritables cultes technologiques.
Le sentiment d’ubiquité médiatique au travers d’une connectivité permanente, tout comme le besoin conditionné de nouveauté comme credo de l’homme moderne, semblent avoir remplacé le principe d’urbanité par un consumérisme effréné. La prédation des métadonnées des usagers d’Internet, utilisées à des fins publicitaires, voire à des fins de surveillance, rappelle épisodiquement l’existence d’un double numérique à ceux qui s’illusionneraient encore sur l’inviolabilté de leur sphère privée.
De manière radicale, le courant transhumaniste, au travers de l’application d’une nouvelle mythologie technoscientifique, aspire à remédier aux déficiences originelles de l’humanité et annonce l’avènement d’un monde qui dépassera nos racines biologiques.
Les notions de progrès, de liberté et de bonheur se disséminent aujourd’hui dans la fabrique publicitaire de la technologie comme miroir d’un idéal bien particulier. L’innovation technologique, tendant à connecter artificiellement l’homme à son environnement de manière intégrale, se soustrait dans le même mouvement des réalités sociales et s’absout des conséquences environnementales. Le postulat d’une mise à jour constante justifiant l’obsolescence technologique à des fins économiques et industrielles, témoignerait selon Jordi Vidal (1), d’une forme de harcèlement idéologique de la part des puissants, trouvant ici un moyen de renforcer leur domination.
(1) Jordi Vidal, Simulacre et servitude, Éditions Allia, 2007